Tuesday, February 22, 2005

Les sous-traitants

Je fais parti de cette confrerie de femmes et hommes de 2ieme zone qu'on nomme sous-traitants. Souvent jalouses parfois honnis, en general apprecies, nous ne sommes que rarement embauches par le client car notre presence est sensee de courte duree. Parfois l'embauche arrive ou du moins une proposition mais je connais des sous traitants qui ont depasse la decennie chez le meme client dans le meme service. Ainsi la relation de servilite s'inverse au fil du temps, on ne sait plus tres bien qui du maitre ou de l'esclave a le plus besoin de l'autre, qui est le maitre qui est l'esclave au final. Passe la decennie et la confusion entre le papier peint et le sous traitant, confusion vite levee lors de la refection des bureaux, souvent le client et le sous traitant deviennent une seule et meme personne. Ainsi on a vu des personnalites fusionner au sein d'un meme service bien avant l'apparition du PACS cher a Roselyne Bachelor. Dans cette bulle ultraliberale nous autres sous-traitants nous sommes dans un etau ou la pression se resserre innexorablement, d'un cote le client, de l'autre le patron. L'un et l'autre s'ingenient parfois a aggrementer cette pression d'un zeste de perversion car entre eux la relation est souvent ancienne et repose sur d'autres ressorts que l'argent. Ca m'est arrive, et a mon tour j'ai du developper un savoir faire mele de perversion, de force de caractere et de recours a l'ecrit en guise de parapluie au cas ou le temps se gaterait. Il arrive que des clients soient tres sympas, j'en ai meme vu qui me protegeaient de mon patron voire meme certains qui demandaient une augmentation pour leur sous traitant, mais le plus souvent le client est un eternel insatisfait qui souffle le chaud et le froid. L'avantage de la condition de sous traitant c'est que la mission a une fin qui peut devenir une fin en soi si la mission devient critique et franchement impossible a vivre et assumer. L'arme ultime consiste alors a rompre la relation en prenant soin de ne pas mettre le client en situation de perdre et la face et son argent. Ainsi on preserve sa sante du stress, l'experience aidant en meme temps que les cheveux blancs s'accumulent comme autant de trophees sur l'autel du liberalisme triomphant. Et puis il y a des armes terribles, le conge maladie par exemple, lorsque les delais d'un projet rendent l'ambiance irrespirable ou la pointeuse qui se retourne contre son promotteur. La badgeuse n'est pas un outil tres prise par le MEDEF, j'ai pu le remarquer a mon niveau car contrairement a ce qui est proclame partout, les sous traitants ont tendance a faire beaucoup plus d'heures qu'ils n'en declarent reellement. La situation de sous traitant n'est pas toujours difficile, elle comporte parfois de vraies satisfactions, nous sommes en general mieux paye que les salaries en fixe, surtout dans la version interim meme si ce n'est pas toujours vrai. Dans tous les cas le seul durable et vrai gagnant c'est le marchand de bestiaux, version moderne du maquignon. La difficulte d'etre sous-traitant reside plus dans l'adaptation permanente a des milieux professionnels divers et varies, et la mentalite de groupe associee, et puis surtout l'ardente obligation d'etre immediatement operationnel et efficace, ce qui est souvent une gageure car souvent le client est le seul a utiliser telle ou telle technique ou savoir-faire tout en se croyant accompagne d'une cohortes de confreres ce qui est faux. La reside la vrai difficulte du sous traitant qui se decline en un reel metier. Ainsi le sous-traitant est un adaptateur qui n'a aucun scrupule a epouser toutes les situations et a se fondre dans tous les decors memes les plus difficiles car c'est ce que son patron lui demande en toute hypocrisie. Etre dans la place et y rester, rapportant en jours/homme son quota de chiffre d'affaire en monnaie sonnante et trebuchante. Ainsi au bout de quelques jours de presence le sous traitant devient de plus en plus invisible, se confondant avec un vrai salarie ce qui est le but. On le met neanmoins dans un bureau a part au cas de controle mais il demeure un reel salarie en trompe l'oeil, seule la fiche de paye peut attester de son appartenance a ce monde etrange et sous-terrain, celui des prestataires aux notes de frais phantasmatiques qui font trembler de jalousie les salaries en fixe qui se dopent a la machine a cafe pour ne pas craquer devant tant d'injustice a leurs yeux. Le sous-traitant n'en a cure car prestataire il est prestataire il demeure, mangeant son pain blanc au grand jour mais pas trop apres avoir grignote du pain noir a la cave, le sous-traitant est mal forme, on lui demande de se former sur le tas en douce dans le dos du client pour lequel il est un specialiste, rarement remercie, souvent meprise ou ignore, jamais augmente, sauf apres chaque demission, il est ballote a droite et a gauche, un jour ici, le lendemain la bas, une semaine a Marseille, l'autre a Strasbourg, les plus malins evitent les predateurs du secteur, aux contrats abusifs et aux clauses de mobilite comme autant de clauses de divorce. Mais en ces periodes de vaches maigres on a tendance a prendre tout ce qui passe, l'emploi jetable comme la voiture, la femme ect... Signe des temps, de plus en plus s'accommodent de ce liberalisme efficacement destructeur, meme la langue Francaise se decline en langage phonetique SMS al1jup.com, le sous traitant a de l'avenir devant lui, on lui fait confiance pour rester a sa place. Les plus malins savent nager dans ce bouillon de culture, la plupart se menagent des retours en surface, pour recuperer de l'air frais, avant de replonger en immersion profonde. C'est mon cas, je connais la musique, parfois j'ai l'impression d'avoir ecris la partition.

Marcel.

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